Le ramassage des ordures ménagères dans les villages est relativement récent. Autrefois, une bonne partie des déchets allait sur le tas de fumier en attendant d’engraisser la terre du jardin, chacun se débrouillait comme il pouvait pour le reste.
En 1891, un habitant de la rue de Rigaudin originaire de la ville et récemment arrivé à Annet, apprécie peu la méthode de stockage utilisée dans sa rue. Comme il ne semble pas entretenir des rapports cordiaux avec le maire, monsieur MAGNIER, il s’adresse directement au préfet. Voici quelques extraits de sa lettre, fort longue et détaillée :
« …lorsque, au mois de décembre dernier, je me suis adressé à M. le Maire pour lui demander s’il existait dans le pays des usages locaux spéciaux, au sujet des dépôts de détritus tolérés sur la voie publique, il me répondit : Non, et m’ajouta-t-il, j’ai voulu empêcher que l’on fit des tas de fumiers dans les cours communes à plusieurs propriétaires, mais je n’ai pu y arriver ; les habitants d’Annet sont des cochons !… (Souligné dans le texte).
La question git tout entière dans ce fait : M. SIGRIST, menuisier à Annet, est propriétaire de quelques maisons d’ouvriers rue Rigaudin, et a une cour commune avec un autre propriétaire, le sieur BLIN. Il y a 18 mois environ, M.Sigrist voulut empêcher M.Blin de déposer dans la cour commune, et sur une partie de terrain appartenant à ce dernier, le fumier provenant de l’écurie de son âne.
M.Sigrist demanda au maire l’autorisation de déposer ses résidus ménagers et ceux de ses locataires sur le bord de la route, à côté de l’habitation du sieur Boulingue, occupant en face de lui, la dernière maison rue Rigaudin. Non seulement M. le Maire acquiesça à sa demande, mais ce fut, paraît-il le garde-champêtre, un nommé Martin, qui creusa le trou sur le trottoir… Quand je vins me fixer à Annet, en rentrant chez moi, un soir, je faillis m’embourber dans ce trou…
…Il y a encore une question de trottoir, je demande que M. le Maire fasse défendre de laisser circuler les chevaux le long de mon trottoir, non seulement ils détériorent mes murs, mais laissent des traces sur leur passage…encore si, comme à Paris, M. le Maire établissait un balayeur permanent pour faire disparaître les corps du délit… »
Aujourd’hui, en parcourant la rue dans la pénombre, on ne risque plus de tomber dans un trou rempli d’immondices, ni de croiser un tas de crottin : il n’y a plus d’âne, plus de chevaux, plus de ferme Blin ; tout au plus peut-on maladroitement, écraser une crotte de chien…
Lettre datée du 9 août 1891. (ADSM) . texte recueilli et commenté par Jean Crapart. (CLIO 1997)