En partenariat avec l’association « Loisirs et Culture du Pin», l’Amicale des Déportés de Mauthausen a exposé au Pin des photographies inédites de l’intérieur du camp de concentration faites par les SS entre 1941 et 1944 ainsi que des photos prises lors de la libération, par les Américains mais aussi par les déportés espagnols libérés, en mai 1945.
Mauthausen se trouve en Autriche sur la rive gauche du Danube. En 1938, les nazis implantent un camp de concentration sur la colline surplombant une carrière de granit.
Les premiers enfants détenus à Mauthausen, Espagnols déportés le 20 août 1940 depuis le camp d’internement d’Angoulême, ont travaillé dans la carrière. Les plus jeunes n’avaient que 13 ans à leur arrivée.
Cette carrière avait été la plus grande carrière de granit de l’empire autrichien. Elle fut le principal Kommando de travail de Mauthausen jusqu’en 1942. Des milliers d’hommes remontaient ces marches chaque jour, un bloc de granit sur le dos. Ainsi furent érigées les murailles du camp. « L’escalier de la mort », cette construction monumentale, avait pour principale fonction l’épuisement des détenus, selon l’un des accusés au procès Mauthausen (Dachau 1946). Les massacres sur ces marches furent quotidiens, tandis que les hommes étaient poussés dans le vide ou contraints de s’y jeter. C’était donc un lieu de spectacle macabre.
Deux cent mille détenus ont été débarqués, à la gare de Mauthausen, après un trajet interminable dans des wagons à bestiaux, privés d’eau et de nourriture. Tous évoquent, à l’arrivée les hurlements des SS et des chiens. La procédure d’incorporation s’accompagnait d’une série d’humiliations. Les détenus étaient déshabillés, tondus de la tête au pied, désinfectés avec du pétrole qui leur brûlait la peau et recevaient un uniforme rayé. Ils perdaient également leur nom remplacé par un numéro matricule cousu sur leur uniforme et qu’ils devaient impérativement mémoriser.
Le service d’identification procédait à des portraits individuels qui devaient permettre de reconnaître les détenus en cas de fuite ou de décès. Mais aussi des portraits d’officiers et de gardes SS pour la fabrication de cartes d’identification qui certifiaient l’appartenance à la garnison du camp. Ces portraits ont été conservés par un détenu espagnol qui était chargé de classer les dossiers des détenus. Il parvint à subtiliser ces portraits et les remit aux Américains à la libération du camp.
Jusqu’à la libération du camp, les photographies furent exclusivement réalisées par les SS qui cherchèrent ensuite à détruire les preuves visuelles avant leur fuite. Les photographies ne disparurent cependant pas tout à fait grâce à un groupe de détenus espagnols qui risquèrent leur vie pour sauver plusieurs centaines de négatifs.
La plupart des images réalisées par les SS servaient à des fins de propagande. Ils voulaient montrer les activités productrices du camp, la discipline, les humiliations mais pas des images de meurtres de masse ni les violences exercées contre les détenus. Les SS évitaient, pour se prémunir de toute accusation, de documenter ces aspects du camp.
Le registre des morts « non naturelles » indique qu’ils ont été abattus lors de tentatives d’évasion.
Les photographies de la libération réalisées après le 5 mai 1945 donnent un tout autre témoignage sur Mauthausen. Les opérateurs américains cherchent à choquer en multipliant les images de cadavres, de fosses communes et de détenus squelettiques.
Les détenus espagnols offrent en revanche un témoignage photographique original et inédit : ils veulent montrer le triomphe des survivants et la reconquête d’une identité perdue.
A l’origine, Mauthausen avait été conçu comme un camp destiné uniquement aux hommes. Cependant jusqu’à la fin de la guerre, près de 4000 femmes de toutes nationalités y furent détenues. Une minorité d’entre elles étaient des prostituées, la grande majorité était soumise au travail forcé dans divers camps annexes comme la fabrique de munitions ou de laine cellulosique. Aucune documentation photographique de ces femmes ne subsiste.
Le matricule 4452 se nommait José Tomas Espejo. Il est né en 1914, dans la province de Cordoue, en Andalousie. Républicain, anti franquiste, anti nazi, anti fasciste, il s’engage, en 1939, dans l’armée française. Mais, il est arrêté le 19 juin 1940, avec un autre engagé volontaire espagnol, par la Gestapo, sur dénonciation d’un Espagnol franquiste. Emprisonnés, ils sont transférés en Allemagne puis en Autriche.
A la libération, retourner en Espagne lui était interdit. Il a dû prendre la nationalité française pour retrouver sa famille en 1962. Il vécut à Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, avec une vingtaine de ces congénères, jusqu’à son décès en 1996.